Les cérémonies urbaines de vaudou se terminent d’habitude par l’apparition des Guédés.Dans la cosmologie haïtienne, les Guédés sont les esprits les plus proches des humains. Puisqu'ils constituent la transcendance des mawon ( esclaves qui se sont enfuis), les guédés vécurent jadis de vraies vies.
Esprits des morts habitant au cimetière, ils guident les vivants dans et hors de ce monde. Réputés pour leur infatigable aptitude au « travail », les Guédés sont souvent l’esprit guérisseur favori des prêtres et des prêtresses. Ils peuvent être invoqués quotidiennement en secret pour des clients, pour des questions de santé, d’argent ou d’amour.
Alors qu'ils sont esprits de l’argent, lorsqu’ils sont en phase de possession, les Guédés ,se manifestent comme malere(pauvre). Ils portent de vieux vêtements, s’assoient par terre et boivent des Kleren (liqueurs de canne) qu’ils appellent « médicaments », au goulot. Ils fument également les cigarettes qu'ils ont reçu en cadeau.
Comme les drag queens aux Etats-Unis, les Guédés sont de brillants critiques sociaux du genre, des commères invétérées et sont capables de « lire » rapidement la politique nationale ou régionale. Les Guédés sont aussi prompts à la satire de l’ordre établi en général, et partant, de quiconque a de l’autorité ou se trouve en position de respect.
Chaque fois qu’apparaissent les Guédés, ils utilisent immanquablement la forme du Créole appelée bètiz (humour vulgaire). Di Betiz, dire des vulgarités, c’est entrer dans la profondeur du créole vakabondaj (prouesse sexuelle masculine). Généralement, utilisé dans le carnaval, le rara ainsi que pour quelques konpa (musique populaire).
Les chansons betiz grivoise sont des lectures politiques de la créolité haïtienne à son plus profond degré. Elles sont l’affirmation non seulement de l’existence mais aussi de la créativité d’un peuple, malgré la brutalité et la violence quotidienne de leurs concitoyens.
Dans cette perspective, étant donné que les Guédés ouvrent grâce à l'ironie et la satire un espace philosophique à l’opposition et au rejet des souffrances du monde, On peut considérer les Guédés comme le dernier bastion de la liberté d’expression en Haïti. Si la politique des Guédés n’est pas un mouvement politique engagé, ce n’en est pas moins une politique de libération.
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